On ne se réveille pas un beau matin pansexuel ; ce n’est pas une révélation soudaine que l’on a au petit déjeuner. Se dire pansexuel est une décision, un choix : c’est une position personnelle vis-à-vis de la sexualité, de l’amour, du genre. Mais avant tout, pour ceux qui n’auraient aucune idée de ce qu’est la pansexualité, je citerai la définition de wikipédia qui me semble complète : « La pansexualité est une orientation sexuelle caractérisant des individus potentiellement attirés sexuellement et/ou sentimentalement par d’autres individus, indifféremment du sexe anatomique ou du genre de ceux-ci ». Une personne se disant pansexuelle ne considère pas le genre ou le sexe d’une personne comme un facteur pertinent dans le domaine des relations sexuelles et/ou sentimentales : c’est l’individu tout entier qui importe, ce qu’il dit, ce qu’il pense, son comportement, son allure, bref, tout ce qui fait qu’il est ce qu’il est.
Il ne s’agit pas de se mettre un bandeau sur les yeux et d’effacer toutes les différences entre les êtres. Au contraire : c’est reconnaître que l’attirance pour une personne est liée à toutes les caractéristiques qui la composent, à tout ce qu’on ne pourrait même pas décrire mais qui fait qu’on aime une personne. Le genre d’une personne n’a pas d’importance en lui-même, mais ce n’est pas pour ça qu’il faille apposer une non-binarité à une personne qui se revendique d’un genre particulier. Se dire femme, homme ou non-binaire est une chose qui participe à notre être, et c’est ce qu’on en fait qui importe. Être pansexuel c’est dire, « je ne suis pas attiré par toi parce que tu es un homme/une femme/aucun des deux, mais parce que tu es toi ». C’est d’une simplicité effrayante, n’est-ce pas ?
Vous l’aurez deviné, la critique des termes « hétérosexualité », « homosexualité » et « bisexualité » est sous-jacente à la pansexualité. Leur définition est simple : c’est être attiré par l’autre sexe, le même sexe, les deux sexes. Surgit alors un problème de genre : si je suis attiré-e par un-e transsexuel-le, que suis-je donc ? Homosexuel-le ou hétérosexuel-le, selon qu’on prenne en compte leur sexe biologique ou le genre dont ils se revendiquent ? La question peut bien sûr aussi se poser du point de vue du/de la transexuel-le. Ces termes ignorent la question du genre, ne prenant en compte que le sexe biologique d’une personne. Si l’on considère que le sexe biologique n’est pas la seule donnée que l’on doit prendre en compte dans les relations sexuelles et/ou sentimentales et que le genre n’a pas de rôle actif dans notre attirance pour une personne, il me semble que ces termes ne sont plus adéquats. La pansexualité répond à ce problème en statuant que le sexe/genre d’une personne n’a pas de pertinence en elle-même, reconnaissant alors la large diversité des genres et des personnes. C’est en cela qu’elle diffère de la bisexualité, qui conserve la binarité homme/femme. Si l’on reconnaît que les termes généraux « les hommes » et « les femmes » sont douteux et réducteurs, un second problème se pose. Qu’est-ce que ça veut dire, « être attiré par les hommes », « être attiré par les femmes » ? L’absurdité de ces phrases est flagrante. Est-ce qu’une personne hétéro-homosexuelle est attirée par tous les membres du sexe opposé/du même sexe ? Est-ce qu’elle regroupe dans un sac tous les corps d’un sexe donné et pioche allègrement dedans sans faire de distinctions ? Si elle connaît quelques relations sexuelles et/ou sentimentales avec des individus d’un sexe donné, est-elle potentiellement attirée par tous les représentants de ce sexe ? Si vous avez répondu non à ces questions, vous reconnaissez que les individus choisissent leurs partenaires pour autre chose que leur appartenance à un sexe biologique. Cela est peut-être (et encore…) pertinent dans une société où l’on choisit « une femme », « un mari », où les relations sexuelles et/ou sentimentales ont pour centre le sexe du partenaire, parce que c’est sur ces relations binaires que fonctionne cette société. Mais si ce n’est pas le cas, et que l’on estime que nos attirances sont liées à des individus particuliers et non à des sexes, que leur genre n'est pas un facteur supérieur et déterminant, et que ces individus ne sont pas liés à « l’essence » de leur sexe (« J’aime unetelle, parce qu’elle est douce, pure, innocente… une vraie femme ! Je suis vraiment un hétérosexuel pure souche »), alors la pansexualité est encore la réponse. Se dire pansexuel, c’est mettre l’individu avant son appartenance à tel sexe. Il importe peu qu’une personne n’ait connu que des relations homo-hétérosexuelles, elle peut toujours se dire pansexuelle si elle reconnaît que le sexe de ses partenaires n’a pas d’influence majeure sur son attirance pour eux/elles.
Je reconnais que le terme d’homosexualité est pratique pour fonder une identité et des communautés qui luttent contre le rejet, malheureusement encore présent de nos jours, des personnes qui connaissent de l’attirance pour des personnes du même sexe. Je trouve simplement dommage que ces termes forment des catégories qui ne peuvent contenir tout le hasard, tout le mouvement, toute la diversité de la vie et des individus. La bisexualité est parfois mal acceptée et incomprise des deux parties : qu’est-ce que cette sexualité ambiguë, qui ne veut pas se mettre d’un seul côté ? Une personne bisexuelle serait-elle à moitié homosexuelle ? Une personne faussement hétérosexuelle ? En fait il faudrait remonter au moment même où l’on se dit à soi-même, je suis homo-hétérosexuel-le : à partir de quels facteurs reconnaît-on son orientation sexuelle ? A partir du moment où l’on ressent de l’attirance pour une personne et que l’on a identifié son sexe ? Dans ce cas, c’est le problème des connaissances fondées sur l’expérience : on généralise des faits particuliers, comme si l’on était sûr qu’il n’y aurait aucune exception à la règle. Si l’on se dit hétéro-homosexuel-le, on envisage uniquement les membres du sexe opposé ou du même sexe comme étant potentiellement les partenaires de nos relations sexuelles et/ou sentimentales. Or, pour commencer une liaison avec quelqu’un, faut-il encore se donner la possibilité d’être attiré-e par cette personne (et de le reconnaître…), ce qui n’est pas possible si l’on se ferme entièrement à l’éventualité d’être attiré-e par quelqu’un d’un autre ou du même sexe/genre que le sien.
Pour finir, je répèterai que la pansexualité est une position, une décision consciente et réfléchie. C’est considérer que le sexe de ses partenaires n’est qu’un facteur contingent de sa personne, un élément du tout de son être. C’est vouloir un terme d’orientation sexuelle qui reconnaît la diversité des genres et des individus. C’est s’ouvrir à l’imprévisibilité de la vie qui nous fait rencontrer une multitude de personnes singulières. C’est se sentir trop à l’étroit dans les catégories traditionnelles qui ont besoin d’être questionnées. Mais c’est toujours, bien sûr, lutter contre le rejet et la discrimination de certains individus en raison de leur sexualité ou de leur genre.
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