Aujourd'hui
je vais discuter avec vous du 8 mars. Vous devez vous dire que ce
post arrive bien tard. Certes, il arrive plus de deux mois après la
manifestation, mais ce n'est pas sans dessein. J'avais en effet pour
ambition de tirer un bilan de cette journée, et pour cela prendre un
recul par rapport aux événements et aux polémiques est nécessaire.
Peut-être qu'à l'issue de cette évaluation ponctuelle, dans les
années à venir, Problème Rangé publiera-t-il scrupuleusement tous
les 8 mars ... Vous me direz peut-être : à quoi bon ?
"A quoi bon", c'est souvent en termes d'utilité et d'efficacité militante que l'on parle de la journée du 8 mars. L'argument parmi les féministes qui contestent cet événement et les anti-féministes qui s'y opposent est étrangement le même : la fête du 8 mars ne servirait à rien. Attention un même argument n'implique pas un même sens, un même raisonnement sous-jacent. Les anti-féministes qui nous gratifient de leurs vocalises en cette journée du 8 mars pour la remettre en cause se basent sur l'idée qu'elle ne sert à rien car il n'y a plus ni inégalités ni oppression entre les hommes et les femmes. Je ne m'imposerai pas ici de démentir une telle assertion, cela sera peut-être l'occasion d'un autre post. Les féministes qui remettent en question le 8 mars le font car cette manifestation ne serait pas utile, ne servirait pas son but théorique, celui de faire avancer la cause des femmes. Vous voyez ici tout le flou entourant la vocation que l'on veut donner à une telle journée, vocation très variable d'un groupe féministe à un autre, au niveau du gouvernement ou de la population. Reflet de cette ambiguïté autour de la finalité de cette journée, la multiplicité des noms associés à la date du 8 mars. Il nous faudra ainsi commencer par étudier les noms que l'on donne à cette journée de mobilisation car ces derniers sont porteurs de la signification que l'on apporte à leur objet.
"A quoi bon", c'est souvent en termes d'utilité et d'efficacité militante que l'on parle de la journée du 8 mars. L'argument parmi les féministes qui contestent cet événement et les anti-féministes qui s'y opposent est étrangement le même : la fête du 8 mars ne servirait à rien. Attention un même argument n'implique pas un même sens, un même raisonnement sous-jacent. Les anti-féministes qui nous gratifient de leurs vocalises en cette journée du 8 mars pour la remettre en cause se basent sur l'idée qu'elle ne sert à rien car il n'y a plus ni inégalités ni oppression entre les hommes et les femmes. Je ne m'imposerai pas ici de démentir une telle assertion, cela sera peut-être l'occasion d'un autre post. Les féministes qui remettent en question le 8 mars le font car cette manifestation ne serait pas utile, ne servirait pas son but théorique, celui de faire avancer la cause des femmes. Vous voyez ici tout le flou entourant la vocation que l'on veut donner à une telle journée, vocation très variable d'un groupe féministe à un autre, au niveau du gouvernement ou de la population. Reflet de cette ambiguïté autour de la finalité de cette journée, la multiplicité des noms associés à la date du 8 mars. Il nous faudra ainsi commencer par étudier les noms que l'on donne à cette journée de mobilisation car ces derniers sont porteurs de la signification que l'on apporte à leur objet.
On
entend souvent, trop souvent, le 8 mars qualifié de : "Journée
de la femme". Est-il besoin de spécifier combien une telle
appellation constitue une faute factuelle et sémantique ? Ni
pour l’État, ni pour les organisations internationales (à
l'origine de la transformation du 8 mars en jour de fête) ce jour ne
s'appelle ainsi. Pourquoi ? Car une journée de LA femme ferait
référence à une vision essentialisée du féminin comme l'indique
l'article défini. Cet éternel féminin est précisément une des
représentations formatant l'imaginaire patriarcal et servant
d'élément justificatif aux formes d'inégalités et d'oppressions
basées sur leur genre que connaissent les femmes. L'association
serait maladroite n'est ce pas ? Appeler le 8 mars "journée de
la femme", c'est adhérer implicitement à une vision sexiste
des femmes basée sur des caractéristiques caricaturales ... Du type
de celles qu'utilise l'industrie publicitaire. Peu étonnant que
cette dernière n'hésite pas à utiliser l'expression "journée
de la femme" dans sa réclame basée sur un marketing genré,
pour nous vendre toujours plus de maquillage, ou de fleurs ...
Un
autre nom donné au 8 mars est : "journée des femmes".
Cette appellation est historiquement juste. Depuis sa création par
le parti communiste soviétique, la fête du 8 mars a toujours été
celle "des femmes", accompagné d'un adjectif plus ou
moins flottant. Lorsque l'ONU l'intronise en 1977, le 8 mars est
officiellement baptisé : "International Women's Day".
Vous me demanderez alors quelle est la différence avec "la
journée de la femme". L'usage du pluriel ici implique une
reconnaissance des actualisations individuelles différentes du fait
d'être une femme. Il n'est pas pareil d'être une femme aux
États-Unis ou au Burkina Faso,
comme il n'est pas pareil d'être une femme appartenant à une classe
sociale élevée, ou d'être membre des working class. Le pluriel
implique une diversité qui remet en cause toute tentative de brider
les individus dans le cadre étroit d'une vision stéréotypée de
"la femme". La "journée internationale des femmes"
garde un aspect festif et de célébration de figures individuelles,
en cela elle n'est pas à l'abri de dérives. La concentration sur
des individus tend en effet à faire oublier les structures de la
domination que subissent les femmes et l'aspect collectif de la
responsabilité de chacun dans la persistance de telles structures.
Un
nom moins utilisé dans le langage courant, et pourtant plus
pertinent, est celui de : "journée internationale pour les
droits des femmes". Voici un titre quelque peu long ... C'est
pourtant le nom officiel en France de la journée du 8 mars depuis
qu'elle a été reconnue par le gouvernement Mitterrand et sa
ministre des droits des femmes Yvette Roudy en 1982. Le nom est
fastidieux mais cerne bien mieux les enjeux d'une telle journée. En
effet la mention "des droits" nous place tout de suite à
un niveau politique. C'est ici reconnaître que la domination que
subissent les femmes est multi-dimensionnelle et
que la puissance publique a le pouvoir de faire évoluer un statut quo non fixé de toute
éternité. Se placer à un niveau politique c'est aussi impliquer la
société. Un droit n'existe que lorsqu'il est reconnu par la
communauté, c'est tout le sens originel du mot "politique" qui surgit alors. Une telle appellation permet ainsi de se décentrer
des cas individuels et d’interpeller chacun en tant qu'individu
social et politique à tourner son regard vers la condition des
femmes au sein de la société.
On pourrait penser qu'en arrivant à
un tel nom, nous avons épuisé les fins que l'on imprime sur le 8
mars. Il existe pourtant un dernier nom, non-officiel mais utilisé
dans les groupes militants féministes. Il s'agit de qualifier le 8
mars de "journée internationale de lutte pour les droits des
femmes". Ici la société n'est pas uniquement prise à témoin,
dans un cadre réflexif, elle est également prise à partie, et incitée à
la lutte, une lutte en partie contre elle-même et la rigidité de
ses structures. En raison de la profondeur du sens qu'elles portent,
c'est à l'aune de ces deux dernières appellations (journée
internationale pour les droits des femmes, et journée internationale
pour la lutte pour les droits des femmes) que nous devons évaluer
l'utilité, l'efficacité, du 8 mars.
Alors
que s'est il passé cette année ? Pour le savoir, je vous conseille
de parcourir cet article de Libération qui cerne heure par heure les
principaux événements de cette journée, en France, sans omettre un
bref aperçu du monde.
Au
niveau national, la journée a principalement été marquée par les
manifestations tradition-nelles, la marche internationale pour les
droit des femmes et la marche du 8 mars pour toutes. Ces
manifestations doivent être regardées dans l'optique d'une journée
internationale de lutte. A travers ces marches et leurs multiples
slogans, la société est prise à partie. L'impact au niveau
national de cette journée est également, et surtout, permise par
les médias. Là commence le débat. Je ne suis que trop d'accord
avec l'idée que la sensibilisation aux problèmes que rencontrent
les femmes doit être : "tout le temps, partout".
Néanmoins
condamner pour cette raison le focus effectué par les journaux le 8
mars n'est pas faire preuve de réalisme sur le fonctionnement de
l’industrie médiatique. Il est impossible d'avérer que parce que
le 8 mars existe, les journaux font de la rétention d'articles sur
les femmes tout au long de l'année pour les concentrer le 8 mars. Il
est plus probable que si le 8 mars n'existait pas, les journaux et
autres média parleraient des problèmes auxquels les femmes sont
confrontées à leur rythme de croisière habituel, une fois par
semaine en estimation haute. Le 8 mars implique une grande
concentration d'articles dans tous les journaux à grand tirage, une
concentration plus saine car n'étant pas suscitée ex-post par un
événement dramatique. Être en amont d'une catastrophe c'est aussi
avoir la possibilité d'adopter une posture réflexive et d'éviter
cette dernière. J'ai pour vous écumé la presse nationale, et on
peut ici dire que Le Monde, L'Humanité, et Libération méritent des
bons points pour le nombre d'articles publiés en cette journée, ce
sont aussi les journaux qui publient le plus sur ces thématiques en
période normale. Cela laisse entendre que le débat n'a en fait pas
vraiment d’intérêt. Ce n'est pas le volume d'articles qui compte
mais leur qualité, en cette journée où les feux des projecteurs se
tournent vers eux les groupes militants ont raison de saisir la
moindre occasion pour que le message passe. Car si parler des droits
des femmes c'est partout et tout le temps, cela peut donc aussi être
le 8 mars.
Le focus dont bénéficient alors les militants féministes
peut permettre de faire passer des mes-sages qui ne passeraient pas en
temps normal, ce qui est certes regrettable, alors autant marquer les
esprit, lier l'idée de prendre la société à témoin et celle de
la prendre à partie. Cela c'est ce que peut accomplir le 8 mars car
personne n'est dupe que ce n'est pas en une journée que l'on
révolutionne un système de domination millénaire, c'est par contre
en une journée que l'on peut marquer certains esprits, tenter de
rallier à sa cause. Dans ce cadre, je ne peux que vous informer de
l’existence du court-métrage, A
Women's Day #throughglass. Suivez le lien !
Ce
court-métrage choquant rappellera combien il est fallacieux de
prétendre que le 8 mars ne sert à rien car il n'y a plus
d'oppression subie par les femmes en tant que femmes et qu'il est
faux que la journée ne peut pas faire avancer la cause. Une
mobilisation volontaire peut toujours marquer les esprits.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire