23/12/2014

Mary Wollstonecraft


J’inaugure avec cet article la série des portraits de grandes féministes.

J’ai choisi de vous présenter Mary Wollstonecraft, féministe et femme de lettres du XVIIIème siècle ; considérée comme une des précurseurs du mouvement en Grande-Bretagne. Elle est notamment connue pour son ouvrage Vindication of the Rights of Woman (Défense des droits de la femme), publié en 1792 (mais qui n’est pas le seul qu’elle ait écrit). Elle fut aussi ce qu’on appelle une proto-anarchiste –  nous en reparlerons.



Mary Wollstonecraft par  John Opie



Mary Wollstonecraft connut son heure de gloire de son vivant – à la fois admirée et vilipendée, avant de retomber dans l’oubli pendant toute la première partie du XIXème siècle. Elle fut remise au goût du jour en 1840 [1] par Flora Tristan, féministe franco-péruvienne (qui fera peut-être l’objet d’un article par l’une des auteures de ce blog, qui sait ?), mais brièvement. En 1925, Virginia Woolf en fera une des quatre figures de son essai The Common reader [2].  Elle reste toutefois peu connue en France, surtout du grand public, peu familiarisé avec les figures de proue du féminisme (c’est pour cela que j’ai fait cet article, me direz-vous, et vous aurez bien raison).

Mary Wollstonecraft est née en 1759 à Londres. Elle est issue d’une famille modeste ; elle n’aura pas la possibilité de faire son éducation en autodidacte à l'aide d'une bibliothèque familiale pléthorique – comme c’était le cas pour les jeunes femmes de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie. Son père lui refusa l’accès à l’enseignement secondaire. Elle fut vraisemblablement marquée par une enfance douloureuse, soumise aux affres d’un père violent et passée à déménager au fur et à mesure que les affaires familiales se détérioraient. 

Elle va tour à tour exercer le métier de dame de compagnie, d’institutrice et de gouvernante – les perspectives professionnelles étaient plutôt réduites pour une femme du XVIIIème siècle. Ses sœurs Everina et Eliza, Fanny Blood (une amie) et elle, créèrent en 1784 une école de jeunes filles dans la communauté dissidente (c.à.d. ayant décidé de faire sécession avec l’Église d’Angleterre) de Newington Green (aux abords de Londres). Celle-ci ferma en 1785, et Wollstonecraft devint gouvernante en Irlande, pour la famille Kingsborough. 

A partir de 1787, Wollstonecraft décide de vivre de sa plume ; choix radical s’il en est, puisque peu de femmes peuvent se targuer d’y réussir à son époque. Elle publie son premier ouvrage la même année : Thoughts on the Education of Daughters. Il est évidemment nourri par son expérience de directrice d’école et gouvernante. 

Elle retourne à Londres, et travaille à partir de 1788 comme traductrice pour l’éditeur James Johnson – qui s’était spécialisé dans la publication de textes libéraux. Son emploi chez Johnson lui permet d’apprendre l’allemand et le français en autodidacte. De plus, il la soutiendra et publiera plusieurs de ses ouvrages – ainsi, en 1788, son premier roman, Mary : a Fiction. Elle y raconte les aventures amoureuses – souvent platoniques - et tragiques d’une jeune femme – Mary donc -, et y aborde quelques uns des thèmes qui seront repris de manière plus approfondie dans A Vindication.  S’ensuit la même année un autre ouvrage, celui-ci de littérature pour enfants : Original Stories from Real Life – elle y promeut l’éducation des jeunes filles, qui peut faire d’elles des créatures rationnelles. Là encore, c’est un argument qu’elle reprendra dans sa Défense des droits de la femme, et qui fait donc suite à Thoughts. En publiant un ouvrage qui se veut pédagogique elle le place dans la lignée de Rousseau et de Locke, tous deux théoriciens de l’éducation – Rousseau avec Emile ou de l’éducation, et Locke avec Pensées sur l’éducation

En 1790, elle rédige A Vindication of the rights of men (Défense des Droits des hommes) en opposition au texte de Edmund Burke, Reflections on the Revolution in France (Réflexion sur la Révolution de France), publié la même année. Ce pamphlet est une critique acerbe de la Révolution Française, de la part du philosophe et homme politique britannico-irlandais ; il l’attaque par le prisme du conservatisme et du libéralisme. Il prend également la défense de la monarchie constitutionnelle d’Angleterre, du clergé et de l’aristocratie. Le texte de Burke fait date ; la réponse de Wollstonecraft est la première à être publiée, mais non la seule : Thomas Paine [3] et William Godwin, notamment, ajoutèrent leur pierre à l’édifice [4]

L’essai de Wollstonecraft critique l’aristocratie et ses privilèges, défendus par Burke. Mais elle attaque aussi ce dernier sur ses arguments et sa rhétorique [5] ;  elle lui reproche de justifier une société inégale fondée sur la passivité des femmes. Il s’agit de sa première publication ouvertement féministe ; elle rencontre un certain succès. Du moins, jusqu’à ce que Wollstonecraft soit indiquée comme autrice sur la première page ; à partir de là, les critiques se firent bien plus sexistes.

Mary Wollstonecraft éprouve une vive fascination pour la Révolution française, et émigre à Paris en 1792. Elle vit alors en concubinage avec un Américain, le capitaine Gilbert Imlay – dont il semble rétrospectivement qu’elle ait idéalisé le caractère et les intentions. En France, elle publie en 1794 An Historical and Moral View of the French Revolution. Elle donne naissance à son premier enfant, Fanny, en mai 1794. Elle fait une tentative de suicide en 1795, affectée par sa séparation avec Imlay. Pour tenter de le reconquérir, elle part en Scandinavie où elle effectue des transactions financières en son nom, afin de renflouer ses finances. Elle consigne ses réflexions sur ce voyage dans ses lettres à Imlay, qui sont publiées en 1796 sous le titre Letters Written During a Short Residence in Sweden, Norway, and Denmark (Lettres écrites lors d’un court séjour en Suède, en Norvège et au Danemark). Il s’agit de vingt-cinq lettres, où elle devise de la sociologie des peuples Scandinaves, de philosophie, de la réforme des prisons, des lois sur le divorce, de jardinage… Cette œuvre sera la dernière publiée du vivant de Wollstonecraft.

A son retour, elle ne peut plus se voiler la face sur l’état de sa relation avec Imlay ;  elle fait une seconde tentative de suicide – elle est repêchée par un passant alors qu’elle s’était jetée dans la Tamise. Quoi qu’on puisse en penser, elle n’y voit qu’un acte rationnel :

« La seule chose que je doive déplorer, c'est que, alors que l'amertume de la mort était déjà derrière moi, j'ai été inhumainement ramenée à la vie et à la souffrance. Mais une ferme détermination ne doit pas être troublée par la déception ; et je ne permettrai pas non plus que mon acte soit considéré comme une tentative hystérique, car il s'est agi d'un acte de raison, décidé dans le plus grand calme. Sur ce point, je n'ai de comptes à rendre qu'à moi-même. Si je me souciais de ce qu'on nomme la réputation, ce serait pour d'autres choses que celle-là que je mériterais le déshonneur. » [6]

Plus tard, Wollstonecraft retrouve un emploi chez Johnson. Elle rejoint un cercle d’intellectuels influents et radicaux - William Godwin [7], Thomas Paine [8], Thomas Holcroft [9] et William Blake.

Elle entame une relation sentimentale avec William Godwin à partir de 1796, et l’épouse en mars 1797 – bien que tous deux soient par principe contre l’institution du mariage. L’explication réside dans la grossesse de Mary : elle souhaite que son enfant soit légitime – pour que ni lui ni elle n’ait à souffrir ce qu’elle a souffert lors de la naissance de Fanny. Elle est enceinte donc, et accouche de Mary Wollstonecraft Godwin [10] en  août 1797 – malheureusement, elle meurt onze jours plus tard, le 10 septembre 1797, de complications dues à sa grossesse.

Plusieurs biographies de Mary Wollstonecraft ont été publiées. La première est sans aucun conteste celle rédigée par Godwin,  Memoirs of the Author of « A Vindication of the Rights of Woman » (1798). Très détaillé, l’ouvrage est inspiré des Confessions de Rousseau ; il va participer innocemment à nourrir les critiques – déjà florissantes à l’époque, mais qui devaient continuer à se développer tout au long du XIXème siècle - sur la vie dissolue de Mary Wollstonecraft. Godwin n’hésite pas à présenter, de manière choquante par sa franchise pour l’époque victorienne, ses tentatives de suicides, ses liaisons amoureuses, l’existence de sa fille naturelle, les circonstances de sa mort, ...

Cette biographie complète et fouillée sera donc utilisée sans retenue pour railler Wollstonecraft, et discréditer ses travaux et leur portée, sous prétexte de l’immoralité de sa vie privée.
Notons enfin que l’ensemble de sa correspondance épistolaire a été publié en 2003 dans The Collected Letters of Mary Wollstonecraft, par Janet Todd.


Mary Wollstonecraft


La fin du XXème siècle a été celle d’un regain d’intérêt pour Mary Wollstonecraft et ses œuvres. Un travail immense a été effectué pour préciser sa biographie, relire ses textes avec un œil neuf, et en présenter une fine analyse. Il y a donc moult détails que je n’ai pas pu présenter ici. De même, les présentations des œuvres ci-dessous sont loin d’être exhaustives ; j’ai dû limiter leur nombre et leur contenu. 

Mary : A Fiction


Wollstonecraft écrivit ce premier roman alors qu’elle était gouvernante en Irlande ; ainsi plusieurs des personnages sont inspirés de ses rencontres. L’amie de Mary dans le roman est très clairement à rapprocher de Fanny Blood. Fanny Blood était une amie très proche de Mary ; mais elles s’éloignèrent lors du mariage de la première. Elle mourut jeune, malade, causant une peine immense à Wollstonecraft. Tous ces faits sont reproduits dans le roman. 

Mary a été influencée par l’Émile et Julie de Rousseau, dont sa correspondance assure qu’elle les a lu avant d’écrire ce roman. Bien qu’admirative de certains de ses travaux, elle est néanmoins très critique sur sa vision de la femme. Sophie, l’épouse d’Émile chez Rousseau, a été éduquée pour être mère et épouse car « l’éducation des femmes doit être relative aux hommes ». L’éducation des femmes n’est donc pas une fin en soi ; elle ne peut que se concevoir par rapport à l’homme, et c’est pour le bon plaisir de l’homme qu’il faut aussi cultiver chez elles l’obéissance par-dessus tout. 

Il est facile de comprendre l’opposition de Wollstonecraft ; elle lui reproche rien de moins – à lui et à ceux ayant produit des théories sur l’éducation dans le même genre - d’avoir « contribué à faire des femmes des êtres plus faibles et plus artificiels qu’elles ne l’auraient été autrement et à les rendre par conséquent moins utiles à la société ».
Claudia Jonhson [11], spécialiste de Wollstonecraft, affirme que cette œuvre est osée et aventureuse, car elle dépeint une héroïne intelligente, aux capacités de réflexion ; capable d’avoir des relations intimes avec les deux sexes. Mary – l’héroïne - est de plus une femme accomplie, qui s’est formée par elle-même. 

Il faut noter que plusieurs années plus tard, Wollstonecraft reniera ce roman dans une lettre adressée à sa sœur, le trouvant ridicule. Il fait effectivement preuve d’un certain sentimentalisme, qui n’est pourtant pas absent de la littérature de son époque. 

A Vindication of the Rights of Woman

« Le livre de Mary Wollstonecraft est une œuvre impérissable ! » - Flora Tristan

L’ouvrage marque sans conteste les esprits, et est d’ailleurs immédiatement traduit en français. Il s’agit du premier ouvrage féministe anglais, écrit par une femme. Mary Wollstonecraft s’inspire de la philosophie des Lumières, de ce radicalisme et de ce rationalisme qui y est associé, pour mener ses réflexions. Révolutionnaire : elle déduit de l’égalité entre les hommes, l’égalité entre les sexes. Elle dédicace d’ailleurs A Vindication à Talleyrand, espérant que le caractère progressif dont il semble faire preuve se traduise dans les faits. 

Ce dernier produit un Rapport sur l’instruction publique en 1791 ; il y reconnaît une inégalité entre les sexes : « Une moitié du genre humain exclue par l’autre de toute participation au gouvernement ». Mais au nom d’un utilitarisme bon marché, il en conclut que les choses doivent rester telles qu’elles sont. Le bien commun – et celui des femmes en particulier - oblige à ce que les femmes restent moins éduquées que les hommes, et qu’on leur dénie leurs droits politiques. Leur constitution, la Nature, leur rôle de mère, leur complémentarité avec les hommes ; tout concourt à ce que les choses restent comme elles sont. En abandonnant leurs droits politiques, les femmes s’assurent un renforcement de leurs droits civils, assure-t-il.

Mais il ne s’agit pas d’interdire l’instruction aux femmes ; simplement d'une instruction différenciée, pour en faire de bonnes mères et de bonnes épouses. Il faut que toutes les « institutions tendent donc à concentrer l’éducation des femmes dans cet asyle domestique ; il n’en est pas qui convienne mieux à la pudeur, et qui lui prépare de plus douces habitudes. »

Talleyrand ne revient pas sur ses écrits, et le souhait de Wollstonecraft que la Constitution soit changée reste un vœu pieu. Après tout, en France, Olympe de Gouges, avec sa Déclaration des droits de la femme  (1791), n’avait pas eu beaucoup plus de succès. 

L’ouvrage  est certes féministe, mais il est aussi radical, et presque philosophique. Mary Wollstonecraft disserte sur ce qui fait la vertu d’un individu, et d’une nation ; sur la raison et sur la tradition. Je n’aborderai pas ici cet aspect de son essai (que l’on retrouve d’ailleurs dans Vindication of the rights of men) ; je souhaite simplement exposer ses arguments féministes.

Elle fait porter le préjudice subi par les femmes sur l’éducation qu’elles ont reçu, et reçoivent ; c’est donc naturellement qu’elle réclame une égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’éducation. Le même droit à l’éducation, évidemment, mais aussi les mêmes matières enseignées – même dans les milieux les plus aisés, les femmes qui étaient instruites ne pouvaient l'être dans tous les domaines. Le grec, le latin, les sciences leur étaient interdits. La lecture des ouvrages de Jane Austen, notamment Pride and Prejudice, peut donner une bonne idée de l’éducation qu’il est possible de recevoir lorsqu’on est une femme à cette époque. Évidemment, les femmes issues des milieux défavorisés n’ont pas même cette chance. 

Elle argue que les femmes ne sont pas inférieures par nature, mais par l’éducation qu’on leur donne ;  si on leur donnait l’occasion de cultiver leur esprit, elles ne seraient plus alors ces créatures débiles et vaines, frivoles et incompétentes. A ceux qui disent qu’il s’agit de traits naturels chez la femme, que « les filles ont naturellement un penchant pour les poupées, les vêtements et le bavardage », elle répond qu’il s’agit de remarques absurdes. Tout leur environnement les porte à privilégier ce genre d’activités : la vue de leurs mères et de leurs nourrices faisant de même, l’obligation de rester enfermée… « Apprenant dès l’enfance que la beauté est le sceptre de la femme, l’esprit se modèle sur le corps, et tournant en rond dans sa cage dorée, s’efforce d’adorer sa prison. »

Cet accent mis sur le rôle de l’éducation dans le processus d’égalité entre hommes et femmes s’inscrit tout à fait dans la première vague du féminisme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette œuvre est redécouverte par les mouvements féministes naissants aux États-Unis et en Europe au milieu du XIXème siècle ; par exemple, Elizabeth Cady Stanton [12].

Elle rapproche en outre la situation des femmes de la petite bourgeoisie et des femmes pauvres, qui malgré la différence de statut souffrent également de l’infériorité de leur condition. Les  femmes pauvres sont obligées au salariat [13] ou à la vente de services sexuels. Les femmes de la bourgeoisie quant à elles sont réduites aux voluptés matrimoniales ; sans possibilité de s’éduquer et sans perspectives professionnelles, que leur reste-t-il ? Ainsi, Wollstonecraft souligne que ce défaut d’éducation pénalise toutes les femmes. Elles profiteraient évidemment d’une réforme complète du système éducatif ; mais la société aussi. 

En étant une meilleure épouse, une meilleure mère et une meilleure citoyenne, la femme ne peut en effet que participer à accroître la vertu d’une nation et son bien-être. Le manque d’éducation d’une femme empêchera la propagation du progrès et de la vertu ; elle ne pourra pas inculquer à ses enfants les valeurs du patriotisme.  « Tant que les femmes ne recevront pas une éducation plus rationnelle, on fera obstacle au progrès moral et intellectuel. »

Pour Wollstonecraft, « la meilleure éducation est celle qui consiste à exercer l’intelligence de la façon la mieux appropriée qui soit pour fortifier le corps et développer le cœur, ou en d’autres termes, à permettre à chaque individu d’acquérir de telles habitudes de vertu qu’il soit indépendant. » Elle ajoute qu’on ne peut appeler vertueux un individu dont les vertus ne résultent pas de l’exercice de la raison – c’est l’opinion de Rousseau qu’elle étend également aux femmes. 

Le vocabulaire de la vertu n’est plus utilisé aujourd’hui dans les discours féministes (et peu ailleurs) et les raisons qu’elle invoque pour justifier une éducation complète des femmes peuvent surprendre. Je précise ici qu’il faut encore une fois remettre les choses dans leur contexte ; les préoccupations au XVIIIème siècle n’étaient pas les mêmes, ni évidemment la condition féminine (oui, j’ai conscience d’enfoncer des portes ouvertes. Mais on ne sait jamais). 

Wollstonecraft préconise donc une éducation rationnelle pour les jeunes femmes – éducation qui est refusée par les hommes de son temps, quel que soit leur progressisme par ailleurs.  Selon elle, le fait que les femmes soient plus faibles physiquement ne doit pas être une raison pour les femmes de se complaire dans cette faiblesse et pour les hommes de les y enfermer. Elle réfute l’idée que la femme a été créée pour le bon plaisir de l’homme – et que par conséquent son éducation doit viser à perpétuer cet état de fait. Wollstonecraft pousse plus loin, et compare la philosophie de Rousseau à une philosophie de la lascivité, fait de lui un sensualiste ; elle soupçonne que si les hommes enferment les femmes dans le rôle de belles et innocentes imbéciles, c’est pour asseoir certes leur supériorité intellectuelle, mais assurer aussi leurs plaisirs.


Maria or the Wrongs of Woman


En 1798, Godwin publie son ouvrage posthume Maria: or, The Wrongs of Woman.  Il est considéré comme l’ouvrage le plus radicalement féministe de Mary Wollstonecraft. Il s’agit d’une suite de l’essai A Vindication of the Rights of Woman, mais inachevée et sous forme de roman.  

Maria, ou le malheur d’être femme raconte l’histoire de Maria, injustement emprisonnée par son époux dans un asile. Elle y rencontre plusieurs autres personnages, dont une femme de rang inférieur, qui elle aussi a souffert de sa condition de femme dans une société d’hommes. Wollstonecraft dénonce les injustices faites aux femmes, et notamment celle du mariage, contraint et étouffant, qu’elle traite avec le vocabulaire de l’esclavage. 

Mary Wollstonecraft et le proto-anarchisme

On a souvent qualifié Mary Wollstonecraft de proto-anarchiste – sans que cela soit à tort, par ailleurs. On considère souvent que l’anarchisme a pris son essor à la fin du XIXème siècle, et prit rapidement de l’ampleur (en France, notamment, jusqu’à la première guerre mondiale). Le préfixe proto va donc désigner ici le fait que l’anarchisme n’est pas considéré historiquement comme un courant en tant que tel à l’époque de Wollstonecraft ; en revanche, une relecture des œuvres de Wollstonecraft sous cet angle en fait une des premières membres de ce mouvement. Les anarchistes (surtout les anarcha-féministes [14] d’ailleurs) de la fin du XIXème et du XXème ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils explorèrent de nouveau ces œuvres, ainsi que celles d’Emma Goldman [15], Louise Michel [16] et Voltairine de Cleyre [17]

Une des manifestations de l’anarchisme de Mary Wollstonecraft peut être vue dans sa fascination pour la Révolution française. Cela lui apparaissait comme la possibilité en pleine réalisation d’une nouvelle société. Une société sans esclaves ni maîtres, sans privilèges, où régnerait l’égalité. Le caractère vif et passionné qu’on lui prête ne pouvait que se réjouir et participer à cet engouement révolutionnaire. Il y avait là la possibilité de participer en temps réel à la création d’une nouvelle société – et n’est-ce pas là le rêve de tout anarchiste ? 

Sa déception n’en fut que plus cruelle face aux dérives qui suivirent : celles de la Terreur. Elle croyait en la notion de perfectibilité de l’homme ; elle pensait même que l’avènement d’une nouvelle société plus égalitaire se traduirait par une amélioration des mœurs et de la morale. Elle n’abandonna pas ses convictions pour autant.  

Sa relation sentimentale avec Godwin, anarchiste notoire, participa sûrement au renforcement de ses convictions – comme le peuvent les discussions entre personnes se respectant et s’admirant mutuellement.

Tous les textes de Wollstonecraft sont disponibles sur internet, puisque les droits d’auteur n’ont plus cours depuis longtemps. Vous pourrez donc les lire tous à loisir.


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[1]   Promenades dans Londres, Flora Tristan, 1840
[2]   En compagnie de Cowper et Lady Austen, Beau Brummell et Dorothy Wordsworth.
[3]   Rights of man, 1791
[4]   C’est ce qu’on a appelé la controverse révolutionnaire, qui fit rage jusqu’en 1795 au Royaume-Uni.
[5]    Notamment son recours à un langage sexué lorsqu’il écrit sur Marie-Antoinette.
[6]    Cité par Janet Todd
[7]    Journaliste, philosophe politique, romancier. Partisan de l’utilitarisme et de l’anarchisme.
[8]    Militant politique, philosophe, théoricien politique et révolutionnaire.
[9]    Dramaturge, traducteur, et sympathisant de la Révolution française.
[10]  Mary Wollstonecraft Godwin épousera par ailleurs Shelley – elle est célèbre pour avoir écrit Frankestein.
[11]   Professeure à Princeton, spécialisée dans la littérature Britannique du XVIIIème.
[12]   Féministe américaine radicale (1815-1902), dont la lecture de Vindication fut conseillée par sa mentor Lucretia Mott.
[13]    Il ne faut pas oublier que le salariat est loin d’être la norme au XVIIIème siècle – il s’agit même d’une exception, qu’on considère comme avilissante. Jusqu’au début du XXème siècle, on parle d’esclavage salarial.
[14]    La précision est importante, puisque le mouvement anarchiste s’est longtemps caractérisé par une certaine misogynie (comme chez Proudhon), ou une sous-estimation du problème posé par le  patriarcat.
[15]    Anarchiste russe (1869-1940) et féministe
[16]    Anarchiste et féministe française (1830-1905), figure majeure de la Commune de Paris.
[17]   Anarchiste et activiste américaine (1866-1912)


Enfin, je ne suis pas spécialiste de Wollstonecraft ; et je me suis largement inspirée de travaux déjà effectuée sur internet pour écrire cet article. J'ai donc fait un usage extensif de Wikipédia, dans sa version française et anglaise. Parmi mes autres sources- j'espère n'oublier personne- on trouve : 1789-1815, l'article Mary Wollstonecraft sur l'Encyclopedia Universalis en ligne, cette page. Les citations en français de Vindication sont tirés de la traduction française disponible ici.
Les analyses sont rarement de moi ; je n'ai fait ici qu'un travail de recherches des données puis d'organisation.

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