Pour mon article court de cette semaine, je vous renvoie à de très bonnes productions sur ce sujet, à savoir l'article de Mar_Lard sur le sexisme dans la communauté "geek" (comprenant assez largement jeux vidéos, comics, programmation et "internet" en général) ainsi que la chaîne Feminist frequency d'Anita Sarkeesian et sa série "Tropes vs Women in Video Games", extrêmement bien documentée.
Il
est important de noter que pour ces deux références, le sujet est
traité avec exactitude grâce à l'apport d'une documentation précise, et qu'il véhicule donc toute la violence que les images ou les propos rapportés impliquent ; le spectateur ou le lecteur doit être conscient que ceux-ci peuvent choquer et/ou irriter très sérieusement les nerfs.
La lecture de l'article et le visionnage des vidéos contenant un avertissement préalable d'Anita Sarkeesian doivent être évités si vous avez trop bien conscience du sexisme de ce domaine et que vous n'en pouvez plus ou si vous prenez soin de votre sensibilité et tranquillité d'âme. Je le précise, parce que j'ai été moi-même profondément horrifiée par certains éléments, et la netteté tranchante des éléments éparses que l'on rassemble prend à la gorge. Une manière douloureuse d'ouvrir les yeux sur un sexisme qui peut être d'une violence insoutenable.
Au-delà de cette violence, "Tropes vs Women in Video Games" montre bien toutes les facettes du sexisme dans le domaine des jeux vidéos, où l'on peut parfaitement y reconnaître le sexisme de beaucoup d'autres milieux. Parce que c'est un domaine qu'on suppose majoritairement masculin, le féminisme n'est pas encore tout à fait, ou pas du tout, écouté. Et pourtant, les femmes qui jouent aux jeux vidéos ont été progressivement révélées au grand jour, et il est à présent impossible de le nier : parce que les femmes ont toujours joué, et que les statistiques qui ont été menées montrent clairement qu'elles forment plus ou moins 50% des joueurs. Bien sûr, on peut trouver des jeux où les hommes seraient majoritaires à y jouer, et réciproquement ; mais ces différences ne devraient pas être articulées autour du sexe mais bien autour des préférences de chacun et de la construction des genres. Et lorsqu'on cible un public exclusivement masculin, le cercle vicieux intervient : en servant ce public masculin, il s'en renforce d'autant plus.
Bien sûr, des améliorations se font sentir, et certains jeux échappent au sexisme de manière remarquable ; mais pour leur majorité, c'est un sujet toujours actuel. Pour prendre un exemple relativement récent, j'évoquerai le débat en juin dernier autour du fait qu'il n'y ait pas la possibilité de jouer une femme assassin en multijoueur dans le tout récent Assassin's creed Unity, sorti en novembre 2014. A cette interrogation répondait en ces termes James Therien, directeur technique d'Ubisoft :
"It was on our feature list until not too long ago, but it's a question of focus and production. So we wanted to make sure we had the best experience for the character. A female character means that you have to redo a lot of animation, a lot of costumes. It would have doubled the work on those things. And I mean it's something the team really wanted, but we had to make a decision... It's unfortunate, but it's a reality of game development."
"It's double the animations, it's double the voices, all that stuff and double the visual assets, especially because we have customizable assassins. It was really a lot of extra production work."
"The common denominator was Arno [Le personnage principal], it's not like we could cut our main character, so the only logical option, the only option we had, was to cut the female avatar."
Ces réponses ont donné lieu à un incroyable déferlement de remarques sarcastiques et de critiques sur le sexisme de la série autour du hashtag #womenaretoohardtoanimate. Toutefois, il convient bien de ne pas caricaturer leurs réponses, et je regrette que ce débat eut donné lieu à des inepties (même pour le plaisir du sarcasme, il n'est pas correct de tout déformer). Ce n'est pas que les femmes soient difficiles à animer (il y a bien des personnages féminins non jouables dans ce jeu), il s'agit là de permettre ou non au joueur d'incarner une femme assassin en mode multijoueur uniquement. Le personnage de la quête principale est invariablement un homme, et il est permis aux joueurs de faire varier l'apparence de leur personnage masculin en multijoueur, d'après le modèle d'Arno. Ce qu'Alexandre Amancio et James Therien semblent dire, c'est que ça ne vaut pas le coup d'intégrer un personnage féminin juste pour le mode multijoueur, si l'on balance le public visé et la place de ce mode avec le travail supplémentaire que cela implique. C'est un calcul économique de base, rien de très palpitant. La série des Assassin's creed n'est pas dépourvue de personnages féminins intéressants, mais elle est aussi marquée d'un sexisme bien incrusté. Il est par exemple possible de recruter des femmes assassins, c'est-à-dire des PNJ qui aident le personnage principal, mais elles sont minoritaires, et ce sont des personnages grandement secondaires. Assassin's creed Unity (attention, spoilers) comporte bien un personnage féminin relativement important, Élise de la Serre, qui fait partie des Templiers, et celle-ci est traitée de manière intéressante... ah, autant pour moi, elle sert l'intrigue amoureuse et, surprise ! Meurt dans les bras du héros.
Faut-il demander plus de personnages féminins jouables ? Un personnage principal féminin ? Dans un cadre où il n'y a qu'un personnage principal jouable, il faudra toujours qu'il soit d'un sexe ou de l'autre ; si l'on part du principe que les joueurs veulent absolument incarner un héros de leur sexe, il y aura toujours des mécontents. La solution la plus aisée serait de permettre la jouabilité de personnages des deux sexes, comme de nombreux jeux l'ont déjà proposé, et je pense que c'est une option tout à fait satisfaisante si les personnages ne sont pas des clichés de leur sexe. Mais si l'on ne propose qu'un seul personnage ? Je n'ai jamais été mécontente de ne pouvoir jouer qu'un personnage masculin ; il fait partie du jeu, et si ce dernier est bon, il n'y a pas beaucoup de sens à revendiquer un personnage principal féminin juste pour incarner une femme. Le sexe des personnages en lui-même compte assez peu, c'est le personnage tout entier qui sert la narration et l'univers, l'important étant la manière dont il est développé. Ce qui me fatigue, c'est le sexisme d'un jeu en général, et le traitement des personnages féminins. Je voudrais davantage de personnages diversifiés, travaillés et intéressants : des deux sexes, ou entre les deux sexes, ou au-dessus des sexes, bref, plus de variété sans clichés ni sexisme. Ce qui me plaît dans les jeux vidéos, c'est la qualité de leur univers ; et malheureusement, le sexisme ne fait que l'amoindrir. Je continuerai sûrement à jouer à la série Assassin's creed, parce que j'apprécie grandement ce monde ouvert où l'on peut agir librement jusque dans la moindre ruelle, mais je continuerai aussi à soupirer d'exaspération face à leurs ficelles scénaristiques souvent douteuses et leur traitement des personnages féminins qui a encore un long chemin à faire.
Faut-il demander plus de personnages féminins jouables ? Un personnage principal féminin ? Dans un cadre où il n'y a qu'un personnage principal jouable, il faudra toujours qu'il soit d'un sexe ou de l'autre ; si l'on part du principe que les joueurs veulent absolument incarner un héros de leur sexe, il y aura toujours des mécontents. La solution la plus aisée serait de permettre la jouabilité de personnages des deux sexes, comme de nombreux jeux l'ont déjà proposé, et je pense que c'est une option tout à fait satisfaisante si les personnages ne sont pas des clichés de leur sexe. Mais si l'on ne propose qu'un seul personnage ? Je n'ai jamais été mécontente de ne pouvoir jouer qu'un personnage masculin ; il fait partie du jeu, et si ce dernier est bon, il n'y a pas beaucoup de sens à revendiquer un personnage principal féminin juste pour incarner une femme. Le sexe des personnages en lui-même compte assez peu, c'est le personnage tout entier qui sert la narration et l'univers, l'important étant la manière dont il est développé. Ce qui me fatigue, c'est le sexisme d'un jeu en général, et le traitement des personnages féminins. Je voudrais davantage de personnages diversifiés, travaillés et intéressants : des deux sexes, ou entre les deux sexes, ou au-dessus des sexes, bref, plus de variété sans clichés ni sexisme. Ce qui me plaît dans les jeux vidéos, c'est la qualité de leur univers ; et malheureusement, le sexisme ne fait que l'amoindrir. Je continuerai sûrement à jouer à la série Assassin's creed, parce que j'apprécie grandement ce monde ouvert où l'on peut agir librement jusque dans la moindre ruelle, mais je continuerai aussi à soupirer d'exaspération face à leurs ficelles scénaristiques souvent douteuses et leur traitement des personnages féminins qui a encore un long chemin à faire.
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