Le
17 juillet 2014, des militantes Femen se
sont introduites au sein du Sénat où était discuté le projet de
loi contre le système prostitutionnel proposé par la ministre du
droit des femmes, Najat Vallaud-Belckacem. Face à la décision de la
haute chambre de ne pas étudier le texte, largement amputé par
l'Assemblée nationale quelques jours auparavant, le slogan
« Sénateur = proxénète » a raisonné dans la salle.
Considérer le refus d'intervention de l’État comme acte de
proxénétisme montre bien l'évolution de la vision du rôle et des
fonctions de l’État, celui-ci
ayant déjà connu de telles accusations au temps où, au contraire,
il réglementait massivement dans ce domaine de l'action publique.
Le
régime des politiques publiques françaises en termes de
prostitution a évolué au cours du temps. La France aura connu un
système réglementariste puis abolitionniste, ce dernier ayant
évolué récemment vers une forme de prohibitionnisme. Ces
évolutions dans les actes législatifs ainsi que dans les actions
juridiques et policières se sont accompagnées d'une transformation
du discours politique à l'endroit de la prostitution, participant à
un mouvement de publicisation de la question. L’État est
classiquement défini comme exerçant le monopole de la violence
physique et symbolique légitime. Il fixe le droit, ce qui doit être
accepté ou toléré par les populations. C'est ainsi un rôle actif
qu'il joue dans l’universalisation d'une morale. La législation
est donc un objet social en elle-même. Le choix de telle ou telle
politique est justifié par une morale, voire un inconscient
religieux, mais est décidé sur la base d'enjeux socio-économiques,
politiques et sanitaires contemporains, lorsqu'une occasion politique
se présente au gré de l'histoire.
Je
vais donc tenter de vous exposer ici comment la prostitution a été
réglementée en France du XIX° siècle à nos jours. Je tenterai
plus particulièrement de mettre en évidence comment la prostitution
a été définie comme acte criminel au croisement de préoccupations
socio-économiques, sanitaires, politiques et morales.